
05h30. Je me réveille, comme à mon habitude, à une heure si indécente qu’elle pourrait être une rencontre fortuite entre les couche-tard et les lève-tôt. Un cauchemar pour certains, une routine pour moi. Des années de réveils précoces ont transformé mon corps – et peut-être aussi mon esprit, mon âme, voire mon ADN – en un lève-tôt certifié.
Pourtant, soyons honnêtes, on s’est couchés à 1h30 du matin. Aziliz, elle, dort à poings fermés. Mais quand je dis « fermés », c’est comme si elle avait signé un contrat avec le marchand de sable. Même les marmottes, expertes du sommeil, applaudiraient sa performance. Si un concours de sieste olympique existait, avec comme récompense un voyage autour du monde, elle serait médaillée d’or, et nous aurions déjà visité chaque continent trois fois.
À pas de ninja, je me glisse hors du lit et pousse légèrement le store du Velux. Le paysage s’offre à moi, calme et parfaitement ordonné. Des maisons aux airs de tranquillité, entourées de jardins qui semblent sortir tout droit d’un magazine déco.
Je chuchote un « Waouh » intérieur. Nous sommes dans un lotissement, c’est vrai, mais ici, chaque maison a son petit caractère. On sent que chacun a mis un point d’honneur à personnaliser son petit bout de bonheur, sans pour autant faire de l’ombre au voisin. Un lotissement exemplaire, comme si Stéphane Plaza avait supervisé la construction et Stéphane Marie, de Silence, ça pousse ! avait planté chaque arbuste à la perfection.
Les toits, recouverts d’ardoises impeccablement alignées, donnent aux maisons un charme presque intemporel, bien que tout soit flambant neuf. Un vrai décor de catalogue de maisons idéales, celui qu’on feuillette en attendant chez le médecin. Bien sûr, on trouve plus souvent des magazines people, et on les lit d’un œil critique – tout en se passionnant secrètement pour le dernier divorce de cette actrice qu’on « n’aime pas ». Mais chut, personne n’ose l’avouer.
Ce matin-là, face à ce tableau parfait, je me dis que, malgré l’heure indécente, le monde a tout de même ses petits miracles. Bon, maintenant, café. Parce qu’émerveillé ou non, un lève-tôt a ses priorités.
Un café, pas possible, je ne suis pas chez moi, nous dormons chez la mère de ma femme, en clair chez la belle-mère ! Je vais devoir attendre qu’elle soit réveillé.
Ma belle-mère s’appelle Clohtidhe. Pas Clotilde, non, Clohtidhe, avec ce « h » qui claque comme un vent du large. Ses parents avaient tout prévu pour elle : une vie de paillettes et de mondanités, des études prestigieuses dans les grandes écoles parisiennes, des soirées où elle aurait brillé en robe de satin et talons hauts. Ils rêvaient de la voir côtoyer le beau monde, celle qu’ils appelaient leur étoile.
Mais Clohtidhe, elle, n’était pas une étoile filante. Elle était un rocher. Solide, ancré, breton jusqu’au bout des ongles. Un jour, elle a pris une décision que d’autres n’auraient jamais osée : elle est restée. Elle a choisi la Bretagne, les matins frais, les champs humides, et les odeurs de terre et de mer mêlées. Elle a choisi la ferme, les bêtes, et la simplicité.
Clohtidhe a toujours un pied dans la terre et l’autre dans les nuages. Elle porte des vêtements impeccables, comme si chaque jour était une fête. Ses cheveux sont coiffés à la perfection, et il y a dans son regard une fierté tranquille, celle de ceux qui ont trouvé leur place dans le monde. Parfois, je me dis qu’elle a dû rêver un peu à Sissi, l’impératrice, quand elle était jeune. Elle a ce même mélange de grâce et de force.
Elle méprise gentiment ceux qui traînent sous leur couette ou s’abrutissent devant des écrans. Mais elle a ses contradictions : ses enfants, eux, ont tous les droits. Quand elle leur parle, on sent l’amour dans chaque mot, même lorsqu’elle gronde.
Clohtidhe a un don pour les mots, une façon de poser des questions qui semblent innocentes, mais qui sont de véritables filets. Elle « prêche le faux pour savoir le vrai », comme disent les anciens. Moi, je vois clair dans son jeu, mais je la laisse faire. Ça ne me coûte rien.
C’est drôle, quand je la regarde, je me dis que ses parents ont peut-être eu ce qu’ils voulaient après tout. Pas une étoile mondaine, non, mais une lumière discrète et indéfectible, comme un phare breton.
06h30. Les volets s’ouvrent enfin. Pas par ma femme, non, mais par Clohtidhe. Elle est déjà debout, évidemment, bien avant tout le monde, avec cette énergie matinale qui donne l’impression qu’elle carbure à autre chose que du café. Peut-être un secret breuvage ancestral réservé aux matriarches bretonnes ?
Je sors du lit, enfile mon peignoir et descends à pas feutrés. Dans la cuisine, Clohtidhe est déjà là, installée comme une reine, un bol fumant entre les mains et un regard plein de satisfaction.
– Ah, enfin quelqu’un qui se lève ! me lance-t-elle avec ce ton qui mélange reproche et triomphe.
– Bonjour, dis-je en étouffant un bâillement. Bien dormi ?
– Toujours ! Et toi ?
Elle n’attend même pas la réponse, bien trop concentrée sur sa tasse. Elle enchaîne :
– Tu sais, dans mon temps, on ne restait pas au lit jusqu’à midi.
Je ne relève pas. Ce n’est pas une conversation, c’est un match, et je sais déjà qui gagnera. Alors, je m’installe avec mon café, profitant de quelques instants de calme avant que ma femme n’apparaisse.
08h30. La porte de la chambre s’ouvre lentement, et voilà Aziliz qui descend les escaliers, à pas hésitants, son visage encore tout chiffonné de sommeil. Elle s’arrête un instant, observant sa mère avec étonnement.
– Maman ? Déjà debout ?
Sa mère, toute sourire, la regarde par-dessus ses lunettes, d’un air de tranquille certitude :
– Bien sûr ! Ça fait longtemps que je suis levée. J’ai déjà fait mes mots croisés et regardé le jardin. Vous devriez voir comme il est beau ce matin.
Aziliz lève les yeux au ciel, un mouvement presque imperceptible, avant de se tourner vers moi, le regard fatigué mais curieux.
– Et toi ? Pourquoi tu te lèves si tôt ? On s’est couchés à 1h30, tu devrais dormir !
Je hausse les épaules, un peu gêné, un peu sur la défensive :
– J’ai fait mon quota de sommeil. Il me faut 6 à 7 heures, et je suis bien.
Elle me dévisage un instant, sceptique, comme si elle attendait un éclaircissement, un détail, quelque chose qui prouverait que je ne suis pas en train de me mentir.
– On s’est couchés à 1h30, et tu étais déjà debout à 5h ou 6h, je suppose ! Explique-moi comment tu comptes tes heures.
Je souris intérieurement, un peu agacé, mais je prends un ton léger pour ne pas envenimer la situation :
– Mais non, regarde : 1h30 à 8h30, ça fait 7 heures pile !
Clohtidhe, qui vient de faire son entrée dans la pièce, nous adresse son sourire. Celui-là, à la fois agacé et apaisant, comme un doux rayon de soleil qu’on aimerait repousser tout en l’acceptant malgré tout.
– Eh bien, 3h30 ou 7 heures, ce n’est qu’une question de perception. Si tu as l’énergie pour te lever, alors tu te lèves, pas vrai ?
Je termine mon petit-déjeuner en silence, prenant un instant pour respirer profondément, cherchant un peu de paix intérieure avant que la journée ne prenne son envol. Puis, je m’éclipse sous la douche, consciente que, comme à chaque fois, une nouvelle aventure nous attend.
Il est 09h30. Le souffle de la journée commence à s’accélérer, et Aziliz n’est toujours pas prête. Mes yeux se posent sur l’horloge du salon, puis sur la montre qui bat sur mon poignet comme un doux rappel de l’inexorable passage du temps.
Je prends une grande inspiration pour me contenir. La frustration me brûle un peu, mais je sais qu’il faut rester calme. La dernière chose dont nous avons besoin, c’est de se retrouver dans un tourbillon d’agitation. Avec un petit sourire, j’approche d’Aziliz et, d’un ton doux mais ferme, je dis :
– Chérie… tu te souviens qu’on a rendez-vous à 10h00, n’est-ce pas ?
Elle lève les yeux vers moi, un regard distrait, presque absent. Sa réponse tombe comme une brume épaisse, floue, loin d’atteindre l’urgence de mes mots.
– Ok, mais si on n’a même plus le temps de discuter, pourquoi si tôt ?
Je sens une vague de frustration qui monte doucement en moi, mais je fais un effort pour l’étouffer. Je veux qu’elle sente l’intention derrière mes paroles, mais je ne veux pas être trop sec. Je lui souris doucement, presque pour moi-même, et je glisse avec un brin de tendresse et un léger reproche :
– La journée appartient à ceux qui se lèvent tôt, chérie.
Elle me regarde alors, un sourire un peu moqueur aux lèvres, et je vois dans son regard cette étincelle de défi, comme si tout cela n’était qu’un jeu, une danse où elle n’était pas pressée de se glisser.
– Ouais, mais il y a tôt et tôt, me répond-elle, un ton d’ironie dans la voix.
Je sens la patience m’échapper un peu, mais je serre les dents. Je n’ai pas le temps de me perdre dans des joutes verbales. Il faut y aller. J’insiste, avec un peu plus de fermeté cette fois-ci :
– Allez, je t’attends, c’est urgent.
Elle soupire, comme si elle m’accordait une grâce. Elle se lève enfin, mais je vois qu’elle hésite, traînant des pieds comme si chaque mouvement était une résistance silencieuse. Mon regard devient plus insistant, mais toujours doux, comme un appel calme mais clair.
– J’en ai pour cinq minutes, me lance-t-elle enfin, presque comme un défi.
45 minutes plus tard, nous voilà enfin en route prêts à affronter ce que cette journée nous réserve.
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